L’acharnement que peuvent entretenir certains à l’égard d’Elon Musk au prétexte que son réseau social serait dispensiateur de fake news à la chaine prête à sourire pour quiconque se penche un peu sérieusement sur la question. Car dans le fond, ce problème (ou non-problème selon le point de vue qu’on adopte ) n’en est pas réellement un au regard des autres problématiques bien plus concrètes et nocives, à l’aune desquelles devraient être jugés non pas uniquement X, mais également Facebook, Instagram et tous les autres principaux réseaux sociaux.
Attachez vos ceintures, nous partons pour un petit voyage dans les abysses infernales de leur réalité (la vraie donc et pas cet ersatz généré par leurs services). Mais attention, si vous n’êtes pas prêt à remettre en question le bonheur de poster vos photos de repas, retournez immédiatement liker une vidéo de chat et laissez les adultes discuter entre eux. Vous êtes prêt ? C’est parti !
J’ai déjà relevé par le passé que les réseaux sociaux contribuent à l’abrutissement de la population et de la jeunesse tout particulièrement. Je ne m’étendrai donc pas à nouveau sur ce sujet. Je ne reviendrai pas non plus sur la vague de suicides d’adolescentes provoquée par Instagram à son lancement ou sur le désastre écologique généré par l’industrie du numérique, réseaux sociaux en tête. Ceux que ces problématiques intéressent peuvent sans autre creuser dans mes précédents billets parus sur ce blog ainsi que dans Le Peuple pour satisfaire leur curiosité. Non, aujourd’hui, je vais mettre l’accent sur d’autres éléments critiques que la lecture de « Vers un choc global ? La Mondialisation dangereuse » d’Alexandre Del Valle et Jacques Soppelsa a portés à mon attention. Ce livre, paru aux Editions de l’Artilleur, est un ouvrage de géopolitique de haut vol qui devrait figurer dans la bibliothèque de quiconque essaie de comprendre un peu le monde dans lequel on vit. Les analyses de Del Valle et Soppelsa se situent en effet à des années lumières des pauvres platitudes que l’on peut lire dans la presse quotidienne. Elles sont rigoureuses, profondes et vont dans le détail, impliquant l’ensemble des protagonistes pesant sur les affaires internationales. Et parmi ces protagonistes, il y a justement les réseaux sociaux auxquels Del Valle et Soppelsa accordent quelques pages ici et là.
En guise de mise en bouche, signalons que Facebook a déjà été remis à l’ordre à maintes reprises pour avoir pomper et revendu sans consentement explicite les données personnelles de ses utilisateurs. A d’autres époques, on a fait, ici, en Suisse, des scandales pour moins que ça. Mais il semblerait que le populaire moyen se moque aujourd’hui éperdument que ses données personnelles pour ne pas dire intimes, soient divulguées aux quatre coins du web. Peut-être même peut-on émettre l’hypothèse que cela lui plait, tant il est aujourd’hui entrer dans les moeurs d’étaler sa vie privée à la face de tous. De là à penser que nous sommes entrés dans une ère profondément narcissique et immature où chacun ressent le besoin de se sentir le centre du monde, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement. J’en vois qui se crispent dans le coin au fond, mais qu’ils se rassurent, je n’ai pas la prétention de faire mieux. Simplement d’être capable d’autocritique. Mais on s’égare, revenons-en en à nos moutons.
Dans un chapitre consacré au développement du crime organisé, nos auteurs s’arrêtent longuement sur le rôle joué par les réseaux sociaux. Car comme le disent Del Valle et Soppelsa, la prostitution ne s’exerce aujourd’hui pas uniquement dans les rues et les salons, mais de plus en plus sur internet. Et notamment là où se concentrent les populations. Autrement dit, sur les réseaux sociaux. Une prostitution qui n’est pas toujours une pratique choisie, loin s’en faut, et qui relève parfois carrément de l’esclavage. Del Valle et Soppelsa ajoutent que les parcours migratoires « illégaux » dont sont issues notamment une frange non négligeable de ces travailleuses involontaires du sexe sont eux aussi vendus sur le Web. Citant une étude menée à l’Université de Trente, ils écrivent que « de nombreux groupes Facebook et Instagram annoncent des voyages illégaux en arabe et donnent des modes d’emploi. Des chercheurs arabophones qui se sont fait passer pour des migrants ont découvert (…) que les trafiquants proposent des « remises » pour femmes et personnes âgées, des « forfaits famille », un « service complet » comprenant transferts navals et aériens et faux documents, et même un service après-vente » permettant aux clandestins de prendre connaissance des lois du pays d’accueil et de déjouer les contrôles. Des « publicités » incitent même les femmes à se prostituer en ligne pour financer leur voyage. Ni plus, ni moins.
Un peu plus loin, Del Valle et Soppelsa soulignent que les « hackers ou pirates privés ou liés à des services de renseignement étrangers (…) utilisent les réseaux sociaux pour le scamming (arnaques, fraudes en tout genres) et le phishing (le vol de données personnelles allant jusqu’à l’usurpation d’identité) ». Facebook serait leur réseau privilégié et des millions d’anonymes de par le monde ont déjà subi ces arnaques, de même que certaines personnalités prises personnellement pour cible pour d’autres raisons.
Enfin, Del Valle et Soppelsa pointent également du doigt que des influenceurs islamistes radicaux ont des millions d’abonnés, que cela soit sur Instagram, Twitter ou Facebook. A ce propos, ils citent une étude de la Brookings Institution ayant démontré qu’au moins 46000 comptes Twitter étaient liés à l’Etat Islamique entre septembre et décembre 2014 et que 9200 autres sont toujours directement liés à des groupes djihadistes. Sachant la manière dont les algorithmes de ces réseaux sociaux fonctionnent, pas besoin d’être un grand druide pour comprendre qu’ils sont un véhicule actif du Jihad virtuel comme des trafics de type mafieux. Quand on pense que les journaux et autres blogs d’information sont tenus pour responsable de ce qui se postent sur leur domaine et se doivent de modérer leurs commentaires sous peine de sanctions, on réalise à quel point nos politiques agissent selon l’adage du deux poids deux mesures, et à quel point leurs gesticulations au sujet des comptes complotistes ou je ne sais quoi d’autres, sont vides de sens. A leur décharge, il est vrai que dans un monde guidé par la recherche d’intérêts particuliers et non du bien commun, les réseaux sociaux leur fournissent d’excellentes tribunes et qu’il leur est donc délicat de mordre la main qui nourrit leur popularité.
A titre personnel, j’ajouterai, en guise de conclusion, qu’à plusieurs reprises déjà, les réseaux sociaux ont aussi été utilisé pour fomenter des émeutes (en France par exemple) ou mener des ingérences pouvant aller jusqu’à des coups d’état dans les affaires de divers pays, ce qui, vous en conviendrez n’est pas digne de personnes qui se revendiquent de la démocratie…
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