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Stev’ LeKonsternant prend à coup sûr trop souvent l’apéro. Comme le politiquement correct fondé sur rien lui provoque des réactions épidermiques, il se prête parfois au jeu dans ses rares moments de lucidité en sautant à pieds joints dans le plat. Histoire de provoquer une réaction ou un débat là où les tenants de l’Axe du Bien n’en veulent pas.

Jeunesse : une arme de destruction massive en poche

Crédits: rahul-chakraborty/Unsplash
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Il fut un temps où l’on pouvait raisonnablement penser vivre dans une société orientée vers le bien commun. A cette époque, on protégeait les plus faibles. Les vendeurs de mort que sont les grands patrons de l’industrie cigarettière pouvaient bien se vanter d’avoir l’hypothétique soutien d’un certain nombre de médecins, le pouvoir politique avait quand même fait le nécessaire pour protéger les jeunes de ce fléau. En bonne société civilisée, il avait laissé les adultes responsables libres de faire leur choix et préservé les jeunes de moins de seize ans des mortifères sirènes des cigarettes. Le même raisonnement avait par ailleurs prévalu pour la consommation d’alcool également. En ce temps-là, on estimait qu’arrivé à l’âge de maturité, il convenait à chacun d’orienter sa vie à sa façon, mais que jusque-là, il fallait tout mettre en œuvre pour préserver la jeunesse de ce qui était nocif pour elle.

Je ne sais pas vous dire à quel moment ce regard empathique a disparu, s’il s’agit simplement d’un malencontreux oubli ou si l’incompétence a crû de manière spectaculaire (à moins que je ne sois paranoïaque, cela sera à vous de me le dire) mais toujours est-il que je ne vois plus cette lueur de bienveillance dans les yeux des politiques pour notre jeunesse. Pour tout dire, j’ai l’impression que les uns n’ont que les intérêts économiques de leur réseau (qu’il soit vert, dans le social ou mondialisé) en tête, alors que les autres n’ont d’yeux que pour les patriotes (xénophobes selon certains) possesseurs d’armes. Dans tous les cas, personne ou presque (n’ayant pas la science infuse, j’imagine aisément pouvoir me tromper, et je l’espère d’ailleurs) ne semble avoir pris conscience du mortifère danger qui est en train de bousiller notre jeunesse. 

Ce danger est également nocif pour nous autres adultes et nous en subissons tous, à notre mesure, les conséquences, sans même parfois nous en rendre compte. C’est un danger qui est cependant inférieur à celui que court la jeunesse, pour la simple et bonne raison que notre développement, cognitif notamment, est déjà bien avancé. Ce danger, je vous le donne en mille, c’est le smartphone.

J’en vois qui tourne le dos et retourne consulter WhatsApp ou je ne sais quelle autre application. Je vous demanderai cependant de me faire l’honneur de m’accorder quelques minutes de votre précieux temps, vous pourrez ensuite juger du bien fondé ou non de mon raisonnement.

Les écrans dans le collimateur de la science

A ceux qui aiment lire, je ne saurai que vous conseiller la lecture de « La fabrique du crétin digital », un véritable chef d’œuvre écrit par le docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm Michel Desmurget. Le livre de Desmurget est une mise en garde contre les dangers qui guettent nos enfants devant leurs écrans. Il a ceci d’intéressant que tout est rigoureusement sourcé et qu’il n’existe pas un paragraphe qui ne soit pas soutenu par l’une ou l’autre étude menée dans son champ d’activité. Bref, si vous voulez en savoir plus sur le sujet, le livre de Desmurget est une mine d’or, de même que les documentaires « Derrière nos écrans de fumée », et « Dopamine » produit par la chaîne Arte. Mais venons-en au cœur de mon sujet, à savoir le smartphone.

Si le smartphone est un gadget récréatif de très grande qualité, son apport en termes de développement pour la jeunesse est quasi nul. Certains rétorqueront qu’à la limite, on s’en fout, ce que je peux comprendre, alors que d’autres diront qu’il permet aux jeunes d’accéder à d’immenses bases de données regorgeant d’informations. La remarque est fondée sauf que d’une part la fiabilité des données en question mériterait d’être questionnée en profondeur (par exemple, Wikipédia est un formidable enjeu de pouvoir et ses contributeurs s’entredéchirent sur certains sujets pour faire triompher leur propre vision) et que d’autre part l’usage que font les jeunes de leur smartphone ne va pas dans cette direction. Les études convergent en effet à dire que ce que fait la jeunesse de son smartphone est à peu près dépourvu de toute valeur éducative ou développementale. On pourrait penser qu’au moins ils acquièrent une certaine maitrise des outils du numérique mais ça n’est pas non plus le cas. Ce n’est pas parce que vous savez utiliser Snapchat que vous savez utiliser une quelconque autre application utile dans la vie professionnelle ou personnelle. Quant à l’éventualité d’un transfert de compétences du jeu vidéo à la vie réelle, inutile même d’y penser. Ce n’est pas parce que vous êtes champion de formule 1 dans votre salon que vous avez appris à conduire une vraie voiture. A l’inverse, on pourrait plutôt émettre l’hypothèse qu’en faisant le Fangio du canapé, certains pourraient être tentés de retrouver les mêmes sensations derrière un vrai volant. Un jeu vidéo n’est donc rien d’autre qu’un jeu vidéo et tout ce que vous pourrez y apprendre ne vous servira qu’à devenir meilleur dans le jeu en question. Mais bref passons.

Les smartphones nuisent au développement cognitif

Le monde scientifique s’accorde à dire que ce que nous faisons, vivons ou expérimentons modifie tant la structure que le fonctionnement de notre cerveau. Chaque expérience vécue, chaque acte que nous posons, tout a une influence sur le cerveau. Parfois pour un meilleur développement, parfois non. Et Malheureusement, ce que fait la jeunesse de son smartphone n’induit pas des modifications qui vont dans le bon sens. Etudes à l’appui, on a ainsi pu constater que si chez les ados et jeunes adultes le développement de l’intellect se réalise au travers d’un affinement progressif du cortex pré-frontal notamment, l’impact des jeux vidéo comme la compulsion frénétique de l’internet amènent à l’inverse à un sur- épaississement de ce dernier. On tient là un début d’explication à la chute du QI constatée pour la première fois de l’histoire ces dernières années en Occident. Il est évident qu’il serait un peu malhonnête d’y voir là l’unique cause, mais il serait tout aussi déplacé de faire l’autruche en mettant la tête dans le sol.

Le QI n’est cependant pas le seul aspect cognitif impacté par l’utilisation massive que fait la jeunesse de son smartphone. Sa capacité de fixer son attention sur des éléments peu stimulants s’en trouve également bien altérée. Lorsqu’on passe son temps à switcher d’une activité à l’autre par le biais d’un simple mouvement de doigt sur son écran tactile, qu’on est sans cesse stimulé par les shoots de dopamine qu’induit l’utilisation des réseaux sociaux ou qu’on est en état de déconcentration permanente  à cause des multiples signaux qui s’agitent dans tous les coins de bien des jeux vidéo, il ne faut pas s’étonner qu’on n’est plus tellement capable de focaliser son attention sur quoi que ce soit de peu enthousiasmant dans le monde réel. Partant de là, il est inutile de chercher midi à quatorze heures pour expliquer pourquoi les enfants diagnostiqués comme victime d’un trouble TDHA (déficit de l’attention et de l’hyperactivité) sont de plus en plus nombreux. Ici aussi, il convient de préciser que si le smartphone n’est pas la cause unique, il joue un rôle non négligeable dans l’évolution de ces troubles.

Dans le même ordre d’idée, le déficit de développement de la motricité fine constaté chez les plus jeunes dont le smartphone a servi de nourrice et qui n’ont pas suffisamment jouer avec des cubes ou d’autres objets empilables et classifiables, s’accompagne de lacunes dans les capacités nécessaires à une bonne acquisition des savoirs mathématiques fondamentaux (numération etc.) 

L’utilisation intensive du smartphone à but récréatif engendre également un appauvrissement du langage (quand on est sur son smartphone, on est exposé à moins de mots que dans la réalité ou dans un écrit) et donc de la capacité de penser. On ne peut en effet penser ce que l’esprit est incapable de formuler. Et je ne parle même pas du déficit de compétence en matière de lecture, puisqu’hormis le déchiffrage, l’acquisition de solides bases en matière de vocabulaires et de concept est un préalable indispensable à la lecture et à sa compréhension. Entre parenthèse, si on couple ce déficit à l’utilisation de mauvaises méthodes d’apprentissage de la lecture, obtient le cocktail parfait pour diagnostiquer l’enfant comme dyslexique ou dysorthographique. Il n’existe en effet aucune différence ou presque dans l’immense majorité des cas entre un enfant diagnostiqué comme dyslexique et un enfant qui n’a pas appris à lire correctement. Pour ceux qui auraient des doutes à ce sujet, je vous renvoie à la revue de littérature scientifique nommée « Le concept de dyslexie est-il encore pertinent ? » réalisée par Christian Boyer et Steve Bissonnette à ce sujet.

Bref, le smartphone est une véritable arme de destruction massive des capacités cognitives pour nos jeunes et sa nocivité est telle que même éteint, tant qu’il reste à proximité de son propriétaire, il engendre une baisse des performances intellectuelles. En le voyant, son possesseur n’a de cesse en effet de se demander ce qui se passe au niveau de sa vie virtuelle et il interrompt ainsi de manière systématiques ses processus cognitifs en cours, ce qui entraine une péjoration de sa capacité de penser.

Le smartphone, ce cancer pour la santé

Plus globalement, l’impact des écrans et du smartphone ne se limite pas aux aspects intellectuels. C’est la santé dans son ensemble qui est touchée. Il est aujourd’hui de notoriété publique que les écrans sont nocifs pour le sommeil. Ceux qui connaissent un tant soi peu les jeunes et qui réalisent que ces mêmes jeunes n’ont malheureusement pas tous des parents qui leur fixent des limites, savent qu’ils vont rester jusqu’à très tard accrochés à leur écran. Cette utilisation excessive réduit leur temps de sommeil ainsi que la qualité de ce dernier. Or, qui dit manque de sommeil dit également altération de la capacité de mémorisation et des facultés d’apprentissage. La maturation cérébrale est également affectée, de même que les facultés du système immunitaire à se défendre. Les troubles du sommeil sont en outre considérés comme un facteur d’obésité qui s’ajoute à la sédentarité que peut entrainer un usage irraisonné de ces outils.

A cela s’ajoutent une baisse des facultés visuelles chez ceux qui sont rivés sur leur écran ainsi qu’une dépendance qui se développe au fur et à mesure de son utilisation. Bref, en un mot comme en cent, c’est aujourd’hui un fait avéré que le smartphone n’est pas bon pour la santé.

Le smartphone nuit gravement à l’image de soi, ainsi qu’aux relations avec les autres

Certaines études ont en outre démontré que les réseaux sociaux contribuent à diffuser un sentiment de mal-être dans la jeunesse. Dans le monde merveilleux d’Instagram par exemple, chacun peut utiliser des filtres pour tricher sur son corps ou faire des mises en scène pour embellir son existence réelle. Si ces « petites modifications » semblent plutôt anodines de prime abord, elles peuvent avoir un lourd impact sur ceux qui les consultent et se comparent à elles. A son époque, le lancement d’Instragram s’est ainsi accompagné d’une augmentation massive du taux de suicide chez les adolescentes américaines.

Comme si cela ne suffisait pas, les réseaux sociaux offrent de surcroit une manière plus robotisée et beaucoup moins chaleureuse et humaine de vivre ses relations sociales. Cette manière d’interagir avec autrui se répercute également dans la vie réelle. On a ainsi pu constater une augmentation de l’irritabilité, des injures et des petits comportements brutaux dans l’existence réelle, des comportements encore renforcés par la participation à des jeux violents. Et je ne parle même pas des rencontres traumatisantes que les jeunes peuvent faire dans le monde virtuel avec des personnes, adultes ou non, qui pourraient entretenir des intentions nocives à leur égard ou qui sont simplement victimes de troubles psychiques aggravés pouvant s’avérer traumatisants.

Cerise sur le gâteau, quand les relations sociales ne sont pas impactées directement, elles le sont par le biais de l’utilisation du smartphone quand on est en relation avec ses proches. Dit autrement, chacun de nous accorde une attention bien plus superficielle à ceux qui l’entourent lorsqu’on est en train de farfouiller sur son smartphone. Je vous laisse imaginer ce qu’il en advient de ces jeunes que nous avons tous déjà croisés, avachis les uns à côtés des autres mais chacun focalisé dans l’univers unique de son écran.

Enfin, il serait criminel de ne pas montrer du doigt également l’image faussée de la sexualité qui se répand dans une jeunesse dont les sites pornos sont à portée de main dans la poche.

Conclusion

Bref, en un mot comme en cent, il n’existe quasi pas d’extériorité réellement positive (hormis l’aspect récréatif) à l’utilisation intensive du smartphone par la jeunesse. Il serait donc temps que le politique se charge de prendre des mesures soit en limitant les temps d’accès à l’internet, soit en l’interdisant purement et simplement aux moins de seize ans. Pour ma part, je pense en effet que les très jeunes n’ont pas besoin d’un téléphone portable qui soit relié à l’internet et qu’un simple appareil permettant d’appeler et d’envoyer des messages est amplement suffisant. 

La bonne nouvelle, car il y a en a une, c’est que cette jeunesse qui a fait de l’écologie son combat, devrait y trouver son compte. Si des mesures étaient (enfin !) prises pour limiter la gabegie, elle pourrait ainsi se montrer exemplaire, même involontairement, en limitant sa consommation d’énergie ainsi que son empreinte carbone pour des choses futiles.

Une telle interdiction ou limitation soulagerait en outre les familles qui cherchent le bien de leurs enfants et qui doivent bagarrer pour leur faire comprendre pourquoi les autres ont des droits qu’eux-mêmes n’ont pas. De telles mesures redonneraient enfin confiance en la classe politique en montrant que cette dernière se soucie au moins un peu du bien commun. 

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