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Fabrice Chaperon, 47 ans, marié, un enfant. Responsable syndical de Syna Genève, je suis très sensible au partenariat social et aux valeurs familiales.

Quand les universitaires de troisième zone se font les porte-paroles de la classe ouvrière

Mai 68, ou l'espoir d'une jonction entre monde ouvrier et universitaire.
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Pour ce texte destiné au blog du Peuple, je ne vais pas directement parler de thème syndical pour une fois !  Cela fait de nombreuses années que je côtoie soit en politique soit dans les milieux syndicaux des intellectuels de gauche qui s’arrogent le rôle de porte-paroles de la classe ouvrière. La majorité, enfants de bourgeois bon teint apprennent le concept de luttes des classes sur les bancs scolaires en idéalisant cette classe ouvrière qui fait rêver, qui interpelle, qui fascine. 

Il y a une sorte de tutorat également, en pensant que cette classe laborieuse ne peut pas/ne sait pas se défendre. En effet, une partie de ces braves étudiants, frustrés de ne pas être fils ou filles d’ouvriers, veulent appartenir à ce milieu en mettant en lumière leurs connaissances académiques et voler au secours de ces braves prolétaires, valeureux mais sûrement limités intellectuellement. Nos braves érudits appliquent à la lettre la théorie sans se rendre compte de la réalité et un fossé se creuse inexorablement. 

Et forcément un ouvrier ça vote à gauche, si ça vote à droite c’est un manque de culture, c’est une erreur passagère.il n’y a pas d’autre choix possible. Combien de fois ais-je entendu cette phrase : « Le peuple a mal voté, surtout les ouvriers mais nos adversaires avaient beaucoup d’argent, ils ont fait du populisme de bas étage et nos camarades ont été trompés… ». Quel manque d’analyse de soi et d’autocritique ! La gauche devrait passer plus de temps dans les bistrots de quartier et écouter ce que le prolo de base à dire. Ayant fait l’exercice, ce n’est pas facile mais salutaire.  

Il est évident que la gauche défend historiquement la classe ouvrière et qu’il est souhaitable que cette dernière y adhère, mais là où le bât blesse, c’est justement qu’en prenant en otage cette classe laborieuse, la gauche s’éloigne de ses ouvriers.

J’ai été ouvrier dans la chimie pendant six ans, ce fut une expérience enrichissante, parfois très belle, parfois cruelle. J’ai eu la chance de pouvoir évoluer et mes conditions de travail sont bien différentes maintenant. J’ai côtoyé des marxistes, des réactionnaires, des gens honnêtes et d’autres plus vils, mais globalement j’ai vu des personnes dignes et surtout lucides.

J’ai vu des personnes vraiment diverses, certaines ne s’exprimant très peu mais présentes quand il fallait hausser le ton collectivement et à contrario des « grandes gueules » qui se ratatinaient quand il fallait s’exprimer devant les chefs. 

Des hommes et parfois des femmes qui n’avaient pas besoin de tutorat. Parfois d’aide ponctuelle ou d’explications complémentaires. 

Le constat est aussi assez amer, à l’image d’ailleurs de cette société : le dieu Pognon a tout perverti. Que l’on soit prolo ou bourgeois finalement, on veut du fric pour consommer, pour exister. L’idéalisation des étudiants sur un prolétariat révolutionnaire est une chimère. Il serait de salut public de leur faire effectuer un stage dans des usines lors de leur cursus. La gauche en sortirait grandie.

Nous pouvons faire le constat que le prolétariat ne s’implique pas assez en politique, également. A force de laisser les autres parler pour soi, la dilution du message est malheureusement une réalité. Je finirais par : « Si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupe de toi. »

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