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Je suis chrétien et anarchiste de droite, j’ai un Dieu, mais pas de maître. Journaliste, à la tête du magazine Le Peuple, je m’exprime sur cette newsletter à titre personnel, avec ma casquette de philosophe et de passionné de littérature. Vous allez peut-être tomber de votre tabouret, si vous venez ici pour la première fois, mais je respecterai vos désaccords, car j’aime avant tout le débat. J’aime aussi la bonne humeur, la bière, la viande rouge et le squat à la barre fixe, mais sous la parallèle.

Tout n’est que vanité et poursuite du Ventolin

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Face à la souffrance d’un enfant, combien futiles sont nos préoccupations ?

Chers amis, Chers camarades,

Il y a quelques jours, je proposais à mon fils aîné de me suivre pour une randonnée au-dessus de Leysin. J’avais envie de prendre de l’altitude avec lui, vivre un moment d’effort entre mecs, parler peu, ou alors du bon Dieu. Victor avait accepté, à ma grande surprise, et je me réjouissais déjà de partir avec lui ce week-end.

Le lendemain de ma proposition, nous descendions aux urgences.

Incapable de respirer, le petit venait de faire une crise d’asthme monumentale, la première de son existence, à dix ans. Un virus, visiblement, en est la cause et il ne l’a pas loupé. Heureusement, le petit gars est finalement sorti hier de l’hôpital, après un séjour traversé avec détermination. Alors que j’écris ces quelques lignes, il est même retourné à l’école, et je doute qu’il manque d’énergie, ni même de souffle, bien qu’il doive encore prendre son Ventolin toutes les quatre ou cinq heures. 

Je ne vous raconte pas ça parce que je suis le premier à vivre un moment difficile avec un gamin. Sans doute que cela fait partie du programme quand on accepte de devenir parent. D’autres ont payé un bien plus lourd tribut que moi à la fatalité. Toutefois, il y a certaines réflexions qui m’ont occupé l’esprit ces jours et que je voulais partager avec vous.

Dans la vallée du doute

Quand on regarde un enfant qui respire grâce à un masque, bien des choses semblent soudain futiles. Étonnamment, alors qu’elle constitue une part importe de mon gagne-pain, la première d’entre elles m’a semblé être la politique. C’est un relativisme un peu excessif, je le sais bien, mais face à l’urgence, on peine à comprendre que l’on puisse passer des heures à s’engueuler pour des questions de péréquation financière. « Tout n’est que vanité et poursuite du vent », dit mon livre favori, et j’ai encore pu mesurer combien c’est parfaitement vrai. 

L’autre réflexion, c’est qu’une vie peut vite basculer. Dans la chambre de Victor transformée en sauna, dans le bruit, les pleurs et l’agitation, je ne vous cache pas que j’ai réfléchi à mes propres choix de carrière. Un exemple tout bête : ma voiture est en bout de course, et les risques pris pour lancer un journal ne nous permettent en tout cas pas d’envisager l’achat d’une Tesla, ni même une Citroën 2 CV en état de rouler, la semaine prochaine. A chaque aller-retour entre la maison et l’hôpital – et il y en a eu de jeudi à dimanche ! – je me suis surpris à lâcher un soupir de soulagement quand je constatais que mon carrosse allait tenir un jour de plus et que le gosse ne resterait pas seul. Parfois, je dois l’avouer, la tranquillité un peu dégradante d’un travail dans l’administration me séduit, comme une sirène draguant Ulysse et ses compagnons.

Enfin, le dernier point sur lequel j’aimerais m’arrêter concerne la toute simple humanité. Il y a eu, dans notre chambre, une dame en abaya dont le bébé devait impérativement prendre du poids. Je ne l’oublierai pas nous inviter à prendre sa table pour pouvoir manger en famille, tandis qu’elle se mettait au bord de son lit avec son plateau. Je n’oublierai pas non plus les amis musulmans qui m’ont fait part de leurs prières. Je ne suis pas œcuménique. Mais je crois à l’amitié. Et j’aime à croire que l’Homme n’est peut-être pas si méchant que je l’ai longtemps pensé.

Tout n’est qu’impermanence

Il y a quelques semaines, un ami m’a fait découvrir une sorte de musique folk jouée par des personnes toxicomanes, au Canada je crois. Pour certaines raisons exposées dans ma dernière lettre, je m’étais déjà dit que j’avais eu de la chance de ne pas sombrer comme ces gens. Tout peut basculer tellement vite. Les grandes espérances débouchent si souvent sur les plus affreuses traversées du désert. C’est une grande vérité du bouddhisme de reconnaître que tout n’est qu’impermanence. 

Moi, ça me fend le cœur à chaque fois.

Je dois donner deux conférences cette semaine, et je vais remettre l’ouvrage sur le métier dès cet après-midi. Ma seule envie, pourtant, consiste à me retirer quelques jours avec mon gamin dans un monastère, celui du Barroux si possible. Je dois bien gagner ma vie, cependant, surtout que j’imagine que ce séjour hospitalier va nous faire très mal au porte-monnaie. Alors je médite une phrase de l’écrivain Henri Pourrat (dans la Bienheureuse Passion), avec laquelle je vous laisse : « Comme on devrait mieux s’entendre et faire la vie meilleure à tous, puisqu’il y a la mort ».

Prions les uns pour les autres,
Raphaë

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