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Je suis chrétien et anarchiste de droite, j’ai un Dieu, mais pas de maître. Journaliste, à la tête du magazine Le Peuple, je m’exprime sur cette newsletter à titre personnel, avec ma casquette de philosophe et de passionné de littérature. Vous allez peut-être tomber de votre tabouret, si vous venez ici pour la première fois, mais je respecterai vos désaccords, car j’aime avant tout le débat. J’aime aussi la bonne humeur, la bière, la viande rouge et le squat à la barre fixe, mais sous la parallèle.

Il y a un bureau de l’imagination en enfer

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La Ville d’Yverdon-les-Bains vient de présenter son plan climat. L’une de ses mesures fait déjà trembler la scène politique romande.

Chers amis, Chers camarades,

Vous savez sans doute que je ponds mes billets parce que j’aime écrire, mais aussi par nécessité. Je vous l’ai déjà dit, ce n’est pas mon travail de journaliste avec Le Peuple (au fait, avez-vous déjà vu notre nouvelle version infolettre ?) qui me fait vivre, mais différents mandats d’écriture ou de communication, ainsi que vos dons après certains textes. Je pourrais me dire que cette situation est tout de même un peu précaire pour un vieux cheval usé comme moi, qu’il y a des gens fort bien payés pour faire des diaporamas sur les plus belles toilettes publiques du monde – une spécialité de Watson –, mais je veux vous présenter les choses plus positivement, car c’est ainsi que je les conçois : j’ai une belle communauté autour de moi : 230 abonnés ici, quelque 220 à mon journal, et si vous étiez tous réunis dans une même pièce à m’écouter, je m’en sentirais fort honoré, voire un peu indigne.

Je suis votre prostituée

Pour ne rien vous cacher, je me suis fait la réflexion ces derniers temps que je devenais une sorte de prostituée avec cette infolettre. L’image est un peu raide, alors disons que je me retrouve souvent un peu dans la position du combattant de MMA : le bourrin que l’on enferme dans une cage pour qu’il casse la gueule d’un bonhomme contre lequel il n’a au fond pas grande animosité, juste parce que c’est son métier, et un peu sa tragédie. Dans mon cas, on me glisse de plus en plus souvent qu’il y a telle ou telle absurdité « en enfer » dans l’espoir que je défonce des choses que je n’aime effectivement pas, mais portées le plus souvent par des gens que j’aime bien. Ce matin, on m’a par exemple glissé qu’une des mesures du plan d’action de la Ville d’Yverdon-les-Bains, dont je suis allé voir la présentation à l’Hôtel de Ville, constituerait un punching ball de qualité pour mon infolettre : la constitution d’un « bureau de l’imagination ».

Je vous fais le topo sur cette mesure, par ailleurs un peu anecdotique au vu de la masse d’actions annoncées par la Municipalité de ma ville de cœur : il s’agira d’avoir des gens payés avec des impôts pour trier le bon grain de l’ivraie parmi les idées de la population visant à sauver la planète à l’échelle de la deuxième ville du canton de Vaud. Combien cette tâche précieuse pour le futur de nos enfants coûtera-t-elle au contribuable ? Comment répondra-t-on aux climato-sceptiques et autres éco-anxieux qui se serviront de ce bureau pour y faire part des fruits d’une imagination à faire rougir John Lennon ? Vous imaginez bien que le conservateur en moi a un peu tiqué en laissant rouler ces questions dans son esprit étroit et méchant, ce que n’ont pas manqué de remarquer quelques convives (il y avait apéro et coup de blanc après la séance).

Mais on a fait de ces rires !

En réalité, je ne déteste pas l’idée d’un « bureau de l’imagination » : pourquoi ne pas en constituer un, aussi, pour boucler le dealer qui n’a pas attendu que je sois parqué depuis plus de dix secondes avant de me proposer son poison ? Mais je m’égare : cette plateforme d’échange en lien très fort avec l’humain est visiblement déjà formée puisque nous avons appris durant la présentation que « toute place de parc était une place de moins pour planter un arbre. » Réduisons le transport individuel motorisé de 75% d’ici 2050 (une mesure phare de la Ville) et le trafic (de drogue, j’entends) suivra !  Bon, vous l’aurez compris, je pourrais encore longuement dauber sur l’imagination au pouvoir, sur cette créativité propre à la capitale du Nord vaudois, qui lui a par exemple valu de forger le concept de co-syndicature, visiblement déjà tombé en désuétude.

Images exclusives du retour du machisme à Yverdon-les-Bains.

En réalité, ce qui m’intéresse, dans ce billet, c’est de relever la manière dont nous sommes entrés dans le monde de l’inquantifiable au niveau du politique. Ce que je veux dire par là, c’est que les entreprises poursuivent des objectifs chiffrés, que les accidents ou les feux rouges grillés sont comptabilisés par des collaborateurs spécialisés dans les polices, mais que les politiciens, comme les pasteurs ou les curés, se contentent de plus en plus « d’accompagner le changement ». Je ne dis pas cela pour ce plan climat en particulier. Il me pose de profondes questions d’ordre philosophique, mais je le crois complet et ambitieux. Reste que l’on créera un « bureau de l’imagination » pour sauver l’univers à Yverdon-les-Bains, pulvérisant largement l’idée d’un « sous-secrétariat au Tricot » qui faisait encore délirer le général de Gaulle au début des années 60.

Je crois que c’est la grandeur de l’autorité politique, quelle que soit l’échelle à laquelle se déploie son action, de tenter de faire face à des défis qui semblent bien mal barrés. Ne comptez donc pas sur moi pour taper par principe sur la volonté d’une Municipalité quand elle sonne « de gauche ». J’aimerais, d’ailleurs, que l’écologie ne sonne plus « de gauche ». Qu’on cesse de fantasmer, par exemple, un lien magique entre la reconnaissance de la précarité menstruelle dans l’underground non binaire tchèque et les émissions de gaz à effet de serre.

 Je songe d’ailleurs à faire suivre cette suggestion au bureau de l’imagination.

Que Dieu nous garde,
Raphaël Pomey

P.S. C’est mon père qui me relit aujourd’hui. Votre don me permettra de lui offrir le prochain numéro de Muscle & Fitness

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