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Je suis chrétien et anarchiste de droite, j’ai un Dieu, mais pas de maître. Journaliste, à la tête du magazine Le Peuple, je m’exprime sur cette newsletter à titre personnel, avec ma casquette de philosophe et de passionné de littérature. Vous allez peut-être tomber de votre tabouret, si vous venez ici pour la première fois, mais je respecterai vos désaccords, car j’aime avant tout le débat. J’aime aussi la bonne humeur, la bière, la viande rouge et le squat à la barre fixe, mais sous la parallèle.

Il y a de l’amour en enfer

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Et à Gaza aussi, désormais, grâce aux bottes vegans de l’armée la plus gentille du monde.

Chers amis, chers camarades,

Je dois vous avouer que je n’adore pas parler d’Israël-Palestine. Parce que je ne me sens pas particulièrement éduqué sur le sujet, d’une part, et surtout parce que ma position risque d’être mal comprise. Si je devais faire très simple, je dirais que dans cette affaire, j’ai surtout l’impression que le royaume franc de Jérusalem n’était pas si mal. Je suis un garçon assez rustique, vous savez : je défends un monde où les nains font des blagues dans les cirques, où les mannequins ne sont pas obèses et où on installe des rois lépreux sur les trônes. Quand on est aussi réactionnaire que moi, même l’opposition chevaleresque d’un Saladin paraît mille fois plus sympathique que l’atmosphère de médiocrité morale de notre fin de civilisation.

Mais bref, je n’ai pas d’avis très fort sur la guerre à Gaza, vous disais-je. Là où j’ai davantage de certitudes, c’est que je suis assez hostile à l’idée de tuer des civils, quelle que soit leur religion. Assassiner des grands-mères et mettre des bébés dans des fours, d’un côté, ou assoiffer une population dans une prison à ciel ouvert de l’autre, voilà des activités qui font naître en moi des sentiments de franche hostilité.

Je préférais les guerres puniques

Peu importe, hélas. On ne couvre pas le bruit des armes avec son ressenti – pas plus qu’avec l’abominable Imagine de John Lennon – et, à l’heure où j’écris ces lignes, il semble qu’Israël contrôle Gaza pour de bon. Un nouvel exode commence pour la population locale, mais au moins tout ce beau monde peut célébrer une belle avancée du progrès : il y aura bientôt une Gay Pride sur place ! Eh oui ! On en a découvert un embryon, en tout cas, avec deux photos parfaitement affolantes qui ont circulé en ce début de semaine sur les réseaux sociaux. Sur les ruines des habitations de leurs voisins, on y voit des soldats israéliens tenir des drapeaux de leur pays combinés aux couleurs LGBTQIA+. Un étendard précisait même que le monsieur qui se trouvait là agissait in the name of love (au nom de l’amour). On traduit la pensée de ce charmant monsieur : pas grave si tout un peuple se farcit une nouvelle Nakba dans la mesure où l’on pourra enfin pratiquer l’enculade avec élan.

J’ai fait latin-grec, quand j’étais jeune. J’ai oublié pas mal de choses mais je me souviens de Caton l’Ancien déclarant Carthago delenda est (il faut détruire Carthage), prélude à l’anéantissement de la cité punique. Du sel, selon la légende, avait même été répandu après la victoire pour stériliser à jamais le sol de l’ennemi. Aujourd’hui, on fait les choses un peu différemment : on investit le parlement du pays que l’on ravage, on explique qu’il n’y a pas d’innocents dans la population (en menaçant de la vitrifier au nom de l’amour, toujours), on met des familles sur la route de l’exil… Mais on cite des titres de chansons des affreux U2 en réclamant son droit au plaisir.

Que le tank ne vous induise pas en erreur, le monsieur est aussi en guerre au nom de l’amour.

Tant face aux Russes, en Ukraine, ou face au Hamas, à Gaza, un constat terrible s’impose : nous n’avons plus rien d’autre à proposer que nos « valeurs » d’une civilisation en déclin. Nos valeurs s’écrivent en rose, et en inclusif. Sous prétexte d’un vieux fond culturel socialiste, totalement dévoyé d’ailleurs, elles réclament que la parité soit enfin de mise parmi les exploiteurs et les colons.

Orwell l’avait presque vu venir

Le 7 octobre dernier, de jeunes gens faisaient la fête à quelques kilomètres d’un mur les séparant d’un territoire au sein duquel un peuple vit dans la souffrance depuis des décennies. Je me suis toujours demandé comment ces teufeurs pouvaient être à l’aise avec cette idée. Mais il faut savoir raison garder : ils ne méritaient pas de perdre la vie dans des conditions épouvantables, de même que les 100 collaborateurs humanitaires de l’ONU tués à Gaza au nom de l’amour depuis le début des hostilités, par exemple.

« La guerre, c’est la paix », peut-on lire dans 1984 , de Georges Orwell. L’anticipation était presque parfaite : la guerre, c’est désormais aussi l’amour.

Raphaël

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