Cher Monsieur, votre équipe a choisi de mettre en lumière une fillette au visage tronqué par un voile bien couvrant. N’est-ce pas agir au détriment de toutes les mineures, aujourd’hui et demain, supposées devoir se couvrir en fonction de leur sexe et de leur genre?
Nadine Richon | Pour le Réseau laïque romand
Attention, rien d’islamophobe ici ! Rien de raciste non plus, et avant tout rien contre cette fillette si jeune qui porte déjà sur son corps la marque d’une pudibonderie sexiste concoctée dans les officines islamistes, à partir d’un VIIe siècle fantasmatique. Pour faire court : c’est pas ça l’islam, les islams, l’Islam!
Cette religion a traversé des époques et des lieux si divers qu’il devient proprement ridicule de la cantonner aujourd’hui à un projet voiliste qui, hélas, se répand à travers les écrits, les dires et les pratiques des salafistes et autres Frères musulmans. Ils souhaitent bloquer une prétendue Oumma uniformisée dans un espace-temps fantasmatique, et nous n’avons aucune raison de les suivre sur cette pente, bien au contraire ! Leur but étant de refuser la modernité à leurs coreligionnaires supposés, y compris en Europe : leur stratégie désormais bien rodée passe par une labellisation halal des modes de vie et une couverture impitoyable du corps féminin, particulièrement la tête, le cou, les épaules, les bras, les jambes, à temps complet, en toutes occasions, toutes saisons et tous lieux, y compris l’école.
Je vous laisse lire les travaux à ce sujet de la sociologue Florence Bergeaud-Blackler, notamment. Elle parle essentiellement de la France et de l’Europe, mais ne pensons pas comme certains que la Suisse soit une île, encore moins que nous serions les meilleurs, n’ayant soi-disant aucun problème de ce type du simple fait de ne pas y répondre du tout. Ou encore, comme vu sur la RTS dans votre jeu «C’est ma question» le 4 septembre 2023 – où apparaissait cette fillette en porte-drapeau de ce qui la dépasse de très très loin – qu’il est judicieux de donner un coup de pouce visuel au sexisme voilé de religieux.
Il ne s’agit pas, comme l’affirment certains – et certaines – spécialistes de la religion d’invisibiliser le religieux (Tariq Ramadan, en son temps, ne parlait pas autrement), mais juste de ne pas mettre en avant des pratiques sexistes qu’on prétend par ailleurs dénoncer en Afghanistan ou en Iran.
L’émission de la RTS a été remarquée par mes collègues du Réseau laïque romand, qui m’ont alertée étant donné que j’en suis la plume. À l’heure où la France lance son interdiction scolaire de l’abaya, on se demande ce qui a bien pu motiver vos collaborateurs à sélectionner une toute jeune mineure dûment emballée. Nous savons que ces fillettes sont entravées dans leurs mouvements, ne serait-ce que durant la gymnastique, et souvent purement et simplement privées de natation. Nous pouvons penser que cet emballage obsessionnel – même en été – ne contribue nullement à l’émancipation des esprits, étant donné que le voilement donne à ces fillettes des devoirs stricts au lieu de les aider à libérer leur potentiel autant que les autres fillettes et que les garçons. L’école doit être le lieu de cette émancipation, ainsi qu’en témoigne la France laïque. En Suisse romande, hélas, on ferme les yeux sur ce fait.
Est-ce une raison pour en rajouter dans une émission de la RTS ? Pourquoi cette publicité pour une pseudo-tradition sexiste et soi-disant culturelle, comme si ces fillettes étaient nées, disons, dans un fantasmatique pays du voile ?
Nous espérons, Monsieur le directeur, que cette lettre pourra véhiculer auprès de la RTS notre souci de liberté pour toutes les fillettes mineures scolarisées en Suisse, même si aucune loi ne les aide à déposer leur voile au vestiaire. J’insiste sur ce point car cette fillette de 9 ans à peine était filmée par vos collaborateurs dans une école de la région.
Bien cordialement.
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