Pourquoi une liberté modeste vaut largement tous les avancements professionnels du monde.
Chers amis, Chers camarades,
Il y a quelques jours, je suis tombé sur une de ces publications débiles à la mode sur les réseaux sociaux : on me demandait quel serait mon choix entre recommencer ma vie à six ans avec mes connaissances actuelles, ou recevoir dix millions séance tenante.
Je n’ai pas encore tranché mais une chose m’est apparue avec la clarté d’un Michael Jackson en cure de dépigmentation : c’est que jamais, au grand jamais, je repasserais par la case salariat si je devais recommencer ma vie.
Globalement, je crois pourtant avoir eu de bons chefs. Certains – la plupart même – sont restés des amis. Et pourtant, que d’heures volées en séances stériles ! La vie, dit Sénèque, n’est pas courte. C’est nous qui, selon le philosophe stoïcien, la perdons. Moi je crois que nous acceptons souvent qu’on nous la vole quand on est salarié.
Vivre dans une farce
Je suis devenu journaliste par hasard. J’avais pris une cuite au bon endroit, au bon moment, et j’avais rencontré un ami qui m’a fait entrer de ce milieu, tandis que je finissais mes études. L’une des premières séances qui me revient à l’esprit avait eu lieu vers 2009. Ariane Dayer, l’actuelle rédactrice en chef du Matin Dimanche, était à la tête du Matin semaine et moi je bossais pour son petit-frère gratuit, le défunt Matin Bleu. Avec beaucoup de conviction, elle nous avait présenté l’évolution du logo de son journal en nous expliquant qu’elle l’avait voulu plus massif, pour montrer que le titre était sur le marché depuis longtemps et le resterait pour toujours.
Je ne pouvais évidemment pas m’imaginer que ce média allait crever quelques années plus tard (enfin il reste vaguement un site) mais, déjà, tout ce cirque m’était paru parfaitement absurde. Je me disais, alors, que tout cela n’était pas important et que, même si je gagnais ma vie comme journaliste, ce n’était qu’une sorte de jeu. Alors j’avais fait semblant d’y croire, comme tout le monde.
L’objet de ce billet n’est pas de vous raconter toutes les séances qui m’ont volé des précieux moments de mon existence, ni de régler des comptes avec des gens qui faisaient leur métier comme Sisyphe roulant son gros caillou. Il me faut toutefois lister quelques éléments de la vie du salarié moyen que je refuse de revivre :
- Les discussions de couloir sur la dernière crisette d’un collègue qui s’est emporté au bureau. Et le fameux : « Non mais cette fois, je pense pas que ça va passer ».
- Le sourire triste que tu produis en croisant le gars que tu ne connais pas mais qui est vaguement un collègue.
- Les séances qualité où l’assemblée discute de la qualité de la fixation du parfum d’ambiance des WC (exemple authentique).
- Ce moment où ta boîte change le fond d’écran de ton ordi pour que tout le monde devienne corporate ou solidaire d’une cause qui passe bien dans le paysage (Black history month, écologie ou luttes LGBTQIA+ en général).
- La veste négligemment posée sur sa chaise pour faire croire qu’on est encore au boulot alors qu’on est déjà rentré.
- La soirée de boîte où tu passes pour un associal si tu préfères rentrer te coucher tôt sans avoir deux grammes d’alcool par doigt de pied.
Et tant d’horreurs encore. En sautant sans filet vers le monde de l’entrepreneuriat, je pense que je n’en avais pas conscience, mais c’est surtout le salariat que je fuyais. Dit simplement : je ne veux plus jamais obéir.
Tout est tellement laid, faussé, tordu, lorsque demeurent des relations hiérarchiques. Et ne vous faites pas d’illusions si vous êtes jeunes : votre vie devient encore plus insupportable lorsque vous devenez chef à votre tour. Oui, bien sûr, vous pourrez acheter un grill à gaz, une bagnole électrique qui ne fait pas de bruit et des pantacourts. Peut-être même oserez-vous la moustache en novembre ! Mais franchement : iriez-vous présenter ça comme un idéal à l’enfant que vous étiez ? Bien sûr que non.
Liberté, liberté chérie
Refusez d’obéir. Plaquez tout. Devenez pauvres si c’est le prix à payer. Peut-être enfin serez-vous heureux !
Pour moi, ce bonheur se manifeste de plusieurs façons. En bossant pour ma pomme, que ce soit avec mon journal ou dans mon travail de communicant, j’ai la possibilité de tout plaquer dans l’heure pour monter sur la montagne d’en face, voir si ne s’y trouvent pas quelques bouquetins. Je peux aller jouer au basket quand je veux avec les jeunes de mon patelin, ou simplement je peux me servir une absinthe peinard sur la terrasse avec mes gamins qui courent à côté.
Surtout, une des grandes joies de mon existence, aujourd’hui c’est que je parle avec qui je veux. Comme journaliste mainstream, je devais souvent jouer au garçon sage qui avait prudemment circonscrit le champ de ses intérêts. Aujourd’hui, je me félicite de pouvoir aller donner des conférences dans des milieux parfaitement infréquentables si je veux, simplement parce que je refuse que l’on me dicte qui j’ai le droit de rencontrer ou non.
Cela ne change rien à mes convictions propres, cela dit : anarchiste de droite, allergique à l’autorité, hostile à toute forme de hiérarchie. Mais à quoi bon porter ces valeurs si c’est pour les confronter uniquement à des gens qui pensent comme moi ? Alors vous qui me connaissez un peu, désormais, je veux vous le dire en toute confidentialité : sans doute lirez-vous bientôt ici ou là que je suis moi-même un salopard et un extrémiste.
A ce moment-là, je serai en train d’écouter Bob Marley dans ma bagnole sur le chemin du terrain de basket. Et comme j’ai choisi la liberté, je m’en foutrai totalement.
Que Dieu nous garde,
Raphaël
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